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Faut-il prendre les micronationalistes au sérieux ?

Les micronationalistes sont-ils des égocentriques costumés en chefs d'état ou sont-ils porteurs d'une vision sociale, culturelle ou écologique ? Alors que certains jouent sur l'humour et la fantaisie pour attirer l'attention sur eux, d'autres s'évertuent à donner du sens à leurs démarches. Nous nous sommes intéressés au fonctionnement de ces deux tendances entre elles.

SAS, le Prince Léonard d'Hutt River (1925-2019) était la figure de proue du micronationalisme en Australie. Bien que très sérieux dans sa démarche micronationale, il était perçu comme un original par ses voisins australiens.

Combien de fois a-t-on entendu des micronationalistes s'offusquer de ne pas être pris au sérieux ? Il est vrai qu'ils sont nombreux les articles de presse faisant preuve de dérision à l'encontre des micronationalistes. Mais pourquoi est-ce ainsi et est-ce si grave ?


Tout d'abord il faut comprendre la relation entre les micronations et la presse. Si les micronationalistes recherchent chez la presse une forme de reconnaissance, la presse quant à elle, recherche chez les micronations: leur originalité, leur grain de folie et leur créativité. Pourquoi cela? Tout simplement parce ce sont de parfaits ingrédients pour raconter une histoire divertissante à leurs lecteurs. C'est à dire, une histoire qui fera vendre.


Qu'on se le tienne pour dit: Le micronationalisme intéresse les médias parce qu'il divertit en premier lieu. Il est perçu tout d'abord comme une excentricité qui contraste avec les mauvaises nouvelles du quotidien. Par conséquent, les micronationalistes cherchant à donner du sens à leur micronation devront d'abord apprendre à faire du sérieux sans se prendre au sérieux. C'est ce que les pionniers du micronationalisme ont bien compris.


Prenons l'exemple de Léonard Casley, fondateur et Prince de la principauté d'Hutt River. Grâce à son usage - avec plus ou moins de succès - des codes vestimentaires et protocolaires d'un Prince, ce Souverain s'était donné une image sympathique aux yeux de la presse et du public australien. Il fût l'un des premiers à faire de la parodie costumière, une force de frappe médiatique. Un homme costumé se remarque mieux et marque davantage les esprits. Depuis, les micronationalistes les plus médiatisés ont suivi ses pas.


Le Président Kevin Baugh (à gauche), Le Grand-duc Travis de Ouestantarctique (au centre) et le Prince Jean-Pierre IV d'Aigues-Mortes (à droite) soignent leur apparence pour communiquer avec la presse.

Ainsi, l'humour et l'auto-dérision feraient-ils des micronations plus sérieuses ? Force est de constater que les plus célèbres sont celles qui ont été créées par amusement bien plus que comme objectif. La Ladonie aurait-elle obtenu autant de citoyens sans les rocambolesques sauts dans l'eau de son créateur Lars Vilks? Tout comme le Prince Léonard d'Hutt River, Le Président Kevin Baugh aurait-il été autant médiatisé sans son célèbre uniforme et ses lunettes de soleil ? La Principauté d'Aigues-Mortes aurait-elle eu l'adhésion des habitants de la ville sans son improbable Princesse? Les exemples où l'humour a été exploité ne manquent pas. Ces derniers prouvent que ces micronations bénéficiant aujourd'hui d'une grande renommée sont aussi des espaces construits avec de l'auto-dérision et de l'humour.


Voilà pourquoi un dictateur parodique régnant sur une micronation remplie d'anectodes hilarantes aura toujours plus d'intérêt pour la presse face à un empereur investit dans un projet de marché commun dans lequel quelques oeufs de poules se troquent contre des pots de confiture. Chercher à être pris au sérieux ne peut donc pas être le premier but d'une micronation, mieux vaut être passionné et guidé par l'envie et l'imagination avant toute chose.


Cette extraordinaire créativité foisonnante est d'une part la force du micronationalisme, et d'autre part ce qui le rend impossible à définir. En effet, chacun fait de sa micronation, l'espace idéal selon la culture avec laquelle il a grandi et selon ses convictions, ses croyances, mais aussi ses moyens. On comprend alors que le micronationalisme est comme le monde, un espace où toutes les certitudes se construisent pour cohabiter ou se confronter.


Vivre dans sa bulle est dans l'ordre du temps, les micronationalistes obnubilés par la vie de leurs micronations ne souffrent pas davantage d'une forme "d'autisme" que les adolescents accros à la popularité de leur compte Instagram. Ils ne font pas plus de mal qu'un intoxiqué aux jeux vidéos. Bref, ils ne font rien d'autre que vivre leur passion de la même manière que d'autres vivent la leur.


La question n'est donc pas de les prendre toujours ou jamais au sérieux, la question est de les aimer pour ce qu'ils sont et ce qu'ils reflètent de notre monde. En effet, si une micronation part d'une imagination, celle-ci trouve ses bases dans le vécu et l'environnement de son créateur. Voilà pourquoi le micronationalisme, qu'il soit ressenti sérieux ou pas, peut être considéré comme source d'inspiration ou révélateur d'aspiration de nos sociétés à notre époque.






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